[GAMOPAT] Dragon Ninja / Amstrad CPC

Publié le par Ouais_supère

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DRAGON NINJA
Support : Amstrad CPC 464/6128
Existe aussi sur Arcade, Amiga, Atari ST, C64, PC, Spectrum, MSX, Apple II, NES
Éditeur : Imagine Software
Développeur : Data East
Année : 1988

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"Bad Dudes of the death who kill everybody on earth including your mum who was even raped by them Vs Dragon Ninja with the nunchakus of blood that... That... Hum, sorry dudes, what's your name, again ?"

Je n'aime pas tellement les noms à rallonge, encore moins avec Vs dedans. Je trouve que ça sonne « cheap », rapiéçage, comme nos pantalons déchirés au genou de quand on était mômes, que nos parents réparaient immanquablement avec ces espèces de grosses pastilles de tissu qu'ils cousaient sur le trou. C'était tellement moche, tellement fauché. Je crois même que c'est pour cela que je ne suis généralement pas un fan des crossovers du type Robocop Vs Terminator, Alien Vs Predator, tout ces machins qui sentent la couture grossière sur les genoux cagneux.

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A une exception près, toutefois, et cette exception se nomme Bad Dudes Vs Dragon Ninja. Mais, à y réfléchir, c'est sans doute parce que, lors de son adaptation sur micro, on eut le bon goût d’atténuer et parfois même de supprimer purement et simplement le « Bad Dudes Vs » (pour des raisons de géolocalisation, et peut-être aussi parce qu'il n'y a plus qu'un seul des deux « bad dudes » dans la plupart des portages), focalisant l'attention du joueur sur un Dragon Ninja renvoyant à un imaginaire riche des films de Bruce Lee ou de Jackie Chan, véritable opium du peuple enfantin (osez seulement me dire les yeux dans les yeux que vous n'avez jamais relié deux bâtons entre eux par une pauvre ficelle dans le but d'en faire des nunchakus, avant de rentrer chez vous un peu piteux et couvert du bleu des blessures auto-infligées par votre inaptitude).

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Dragon Ninja... J'ai vidé plusieurs fois la totalité de mon maigre argent de poche dans la borne arcade de Final Fight (enfin... Final Crash, précisément, allez savoir pourquoi, nous, on avait un clone, par chez moi), mis plusieurs pièces dans celle de Double Dragon (que je n'ai découvert qu'après), que j'ai d'ailleurs fini plusieurs fois sur Master System, et je n'évoquerai même pas le temps passé sur Street Of Rage. Mais, pourtant, le Beat'Em All de ma vie demeure Dragon Ninja, sur CPC. Plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, c'est le premier du genre auquel j'ai joué. Et ce, sur ma première machine de jeux vidéo : le CPC 6128, le noir, le beau. De plus, c'est le premier jeu que j'ai terminé de toute ma carrière de joueur. Et ça, vous ne me contredirez pas là-dessus, ça fait partie des choses qui marquent une enfance entière, c'est un peu une première victoire sur la vie (qui se résume globalement à ça, quand on est gosse, avant les premières booms). Je m'en souviendrai à jamais, c'était non pas un soir, mais un midi, puisque je ne mangeais pas à la cantine, et d'ailleurs, lorsque j'y songe, c'est entre midi et deux que j'ai fini pas mal de jeux (Dragon Ninja, Alex Kidd, Quackshot...), au pied du mur, puisque l'on finissait à 11h30, on reprenait à 13h30, et il fallait manger entre temps, interdit de se rater, le temps pressait... Bref. Enfin, la dernière raison qui fait que ce jeu m'a marqué, c'est qu'il est très bon. Je trouve.

Bad Dudes Vs Dragon Ninja est un jeu de baston de rue pour deux joueurs paru en arcade en 1988, et développé par Data East, dans lequel il s'agit d'aller secourir le Président des États-Unis d'Amérique (Ronald Reagan, rebaptisé « Ronnie », c'est-y pas mignon), enlevé par une organisation de vilains pas beaux : les Dragon Ninja. S'il est évident et palpable que l'essence de Renegade (dont on ne rend souvent qu'assez peu compte de l'influence historique) et de Double Dragon coule dans ses veines, il s'en affranchit par ce que l'on peut tout à fait considérer comme une régression au niveau du gameplay, puisqu'il n'est plus question ici de se mouvoir selon deux axes dans le plan (deux directions soit quatre sens : haut, bas, gauche et droite, plus les diagonales), mais seulement de gauche à droite, plus un étage éventuel, comme dans Green Beret ou Shinobi. Pour ma part, je considère qu'il est une sorte de Kung Fu Master revisité et amélioré, très agréable, quoi que forcément un peu old school, avec notamment quelques « kitcheries » réjouissantes dans les voix digitalisées comme dans le gameplay. Car son plus gros défaut, finalement, celui qui fait qu'il ne gagna que difficilement son accès à une sorte de postérité (et ceci grâce, notamment, à ses adaptations multiples), est qu'il fut ringardisé dès l'année suivante par le hit de Capcom, Final Fight.

Mais assez tergiversé, RUN''DRAGONNI, et allons-y.

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Parmi toutes les adaptations qui furent faites de ce titre, celle concoctée par Data East pour notre bon vieux CPC est peut-être la moins fidèle, pour ce qui concerne le design du personnage principal, comme pour la palette utilisée : le Bad Dude est ici assez raide et droit, alors qu'il est ramassé sur lui-même, comme en position de garde, sur les autres supports, et le jeu est très flashy, avec un recours important aux couleurs chaudes et foncées, là où l'original comme ses portages divers misent davantage sur des teintes plus ternes et froides (si l'on excepte bien entendu les versions Spectrum et MSX, en noir et blanc). Je ne saurai dire s'il s'agit là d'une supériorité ou d'un défaut, disons que c'est une orientation esthétique différente, probablement inhérente aux capacités graphiques de la machine, mais je laisse ce débat aux techniciens. En revanche, il est évident que le tout manque quelque peu de finesse et de détails. Mais peu importe, les sprites sont gros, on sait où l'on se trouve, et l'ensemble se situe dans la moyenne plutôt haute des jeux sur ce support. Et puis, il y a la cerise sur le gâteau que constitue le superbe écran titre, directement inspiré des posters classiques de La Fureur du Dragon, avec Bruce Lee, et qui est une exclusivité pour ce portage. Les esprit chagrins pourront objecter que cette belle image est un contre-sens évident dans un jeu où les héros sont des plus Américains et partent à la rescousse de leur président face à des ninjas probablement Japonais, mais elle donne une telle classe à l'ensemble qu'on choisira de n'y voir que du feu.

Si le scrolling n'est pas toujours impeccable (n'oublions pas que nous jouons sur CPC), l'animation ne saurait souffrir le moindre reproche : les personnages évoluent avec fluidité et souplesse, et ne donnent jamais l'impression de « glisser » mais voient leurs pas bien adaptés à la distance parcourue, le tout avec une vitesse réaliste. Oui, ça paraît bête, dit comme cela, mais rejouez à vos vieux jeux 8 bits et constatez à quel point tout cela n'avait rien de systématique. Quelques détails bienvenus et directement issu de la version arcade relèvent encore l'ensemble : un camion passe en arrière plan, l'eau coule dans les égouts (bon, elle s'arrête lorsque le scrolling avance, mais on ne va pas chipoter), les rails défilent sous les wagons, comme la route sous le camion et les murs derrière les remorques, rien d'extraordinaire en soi mais ce genre de chose donne du dynamisme à ce Dragon Ninja, sans quoi l'aventure eut couru le risque de sombrer quelque peu dans la morosité.

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Mais venons-en au fait, à l'essence même du jeu : son gameplay. Et c'est à cet instant que se pose une question récurrente chez tous ceux que le temps, infâme, a casualisé, alors qu'ils se replongent dans leur prime jeunesse de gamer en culotte courte : « bon sang de bonsoir, mais comment je faisais ? » C'est l'instant , également, où l'on se cherche des excuses : « oui, mais j'avais un bon joystick, à l'époque, joystick auquel j'étais habitué, et là j'ai pris de nouveaux repères au pad, ça n'a rien à voir, oh et puis merde, si vous croyez que j'ai que ça à penser, au dehors c'est la Crise ! ». Pour résumer : galère. Il faut savoir que c'est un jeu, comme je le disais plus haut, qui rappelle par certains aspects son illustre ancêtre (quatre ans plus vieux) Kung Fu Master, notamment par cette même manie qu'on les méchants d'arriver alternativement de la gauche et de la droite, et souvent en grappes compactes et pas contentes, comme les raisins de la colère. J'en ai tellement bavé que, je l'avoue, pour vous faire tous ces screenshots, au comble du désespoir, j'ai dû recourir à la triche (je profite du contexte économique et pars du principe que vous ne gaspillerez nul fruit ou légume sur ma face, mais promis, j'ai honte).

La clé de la réussite est donc de parvenir à « attraper » une sorte de cadence (souvent infernale) adéquate pour, surtout, éviter de vous faire toucher. En effet, si vous vous faites toucher, vos adversaires, ces lâches, n'attendront pas une invitation de votre part pour vous submerger, et il est alors bien compliqué de se tirer d'affaire sans trop de dommages, et la plupart du temps avec un coup de pied sauté. L'affaire est d'autant plus compliquée que si vous déclenchez vos coups de pied trop tôt ou trop tard, votre vis-à-vis aura la possibilité de venir à votre contact pour vous latter, endroit où, étonnamment, il sera strictement intouchable. Par bonheur, les ninja qui ont l'impudence de se mettre en travers de votre glorieuse route sont complètement crétins et s'en iront la plupart du temps sitôt vous avoir frappé une fois. J'y tiens : c’est le rythme, le sens du timing, qui vous sauveront, et certainement pas la frénésie ni l'excitation. Et les nunchakus, ou le couteau, aussi, autant d'armes providentielles que vous aurez à cœur de conserver aussi longtemps que possible. Votre Bad Dude, c'est vrai, pourra paraître un peu mou dans certains situations, mais il répondra tout de même correctement à vos sollicitations, et les difficultés que vous rencontrerez tiendront bien davantage au dosage fantaisiste du flot d'ennemis par les programmeurs qu'à la jouabilité elle-même.

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D'ailleurs, dans un soucis d'objectivité minimale, et afin de réaliser cette chronique, il le fallait bien, je me suis penché quelque peu sur le genre Beat'em All urbain dans ses déclinaisons pour CPC, et le moins que l'on puisse dire est qu'il y avait concurrence : entre 1987 et 1989 sont sortis sur cette machine Renegade, Target Renegade, Double Dragon 1 & 2, Vigilante, After The War, Street Gang, Ninja Warriors... Il s'agit, pour la plupart, d'adaptations de bornes d'arcade, avec des fortunes diverses mais il y a d'autant plus de mérite pour Dragon Ninja à tirer son épingle du jeu : pour avoir essayé à l'époque, et ressayé pour l'occasion, pas mal de ces logiciels, je maintiens que mon petit chouchou tient remarquablement la route, et demeure sans aucun doute l'un des plus plaisants à jouer.

Ambiance musicale ? Il faudra repasser. Durant la partie, il faudra se contenter de postillons 8-bits pour les coups donné et reçus. Les possesseurs de 128 ko de mémoire, ces veinards (dont j'étais, si vous avez suivi) ont tout de même droit à de sublimes (ouais, bon...) digitalisations lors de la mort de notre héros (« Aaaah ») ou de sa victoire à l'issue d'un stage (« I'm bad ! »), ainsi que le rire (un peu flippant) du Président reconnaissant, si vous venez à bout de tout cela. Aucune folie, donc, et c'est dommage, parce qu'en plus d'être somptueux, l'écran-titre jouissait d'un merveilleux score orientalisant par Jonathan Dunn, à qui l'on doit par ailleurs, sur la même machine, les merveilleuses musiques de Robocop (dont il me faudra vous parler, à l'occasion, en tant qu'autre souvenir bourré de chaleur), Burnin' Rubber (sa musique est le meilleur atout de ce jeu) ou encore Operation Wolf, pour ne citer qu'eux. Je vous conseille de faire quelques recherches sur le bonhomme, il y a du très bon.

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Dragon Ninja est typiquement le jeu qui me donne envie de me replonger dans mes vieilles disquettes 3". Enfin... Dès que j'aurai récupéré un CPC fonctionnel (pour info c'est bientôt mon anniversaire, mais je dis ça...). Un bouillie chaleureuse de pixels, de l'action soutenue, un gameplay totalement désuet aujourd'hui, et donc forcément merveilleux, il demeure un maître étalon en regard duquel je mesure chaque beat'em all auquel je me confronte. Non, je déconne. Mais, mais, ne partez pas tout de suite, je maintiens qu'il reste une valeur sure et qu'il surnage dans le haut du panier de la firme au Crocodébile. La magie du souvenir ne fait pas tout, et si je viens de passer plusieurs heures à rejouer à Dragon Ninja, et à vous l'expliquer, alors que je ne l'ai pas fait pour tout un tas d'autres jeux de la même époque dont je ne veux même plus entendre parler, c'est qu'au delà du fluide nostalgique qu'il colporte, il demeure un prétexte des plus agréables qui soient pour perdre son temps.



SUPPOS : 5/6
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Publié dans Jeux vidéo

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